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08 mars 2005

L'artiste et la mort

Autant l’avouer tout de go : je n’ai jamais su apprécier la peinture de Guido Molinari, cet artiste québécois décédé, des suites du cancer, le 21 février 2004, à 70 ans. J’estime que sa peinture est trop marquée, à mon goût, par une recherche purement formelle. Comme figée, dirais-je, dans l’époque où ce genre de démarche artistique était monnaie courante : les années soixante et soixante-dix. Je n’avais donc pas l’intention de voir le nouveau documentaire qui lui est consacré (« La dernière conversation », de Jocelyne Légaré) et programmé ce mois-ci au Fifa-le Festival international du film sur l’art. Mais un contretemps m’a amené à assister au visionnement de presse. Heureux hasard ! puisque le film mérite d’être vu. D’abord, parce que c’est le portrait touchant d’un homme devant une mort imminente. Ensuite, le film nous montre le questionnement d’un artiste devant son œuvre. Enfin, parce que nous devenons les témoins embarrassés des efforts, jusqu’à son lit d’hôpital, d’un être sensible et lucide pour continuer à philosopher : preuve irréfutable, s’il en est, des bienfaits des idées peu importe les circonstances et les épreuves. Molinari cite un auteur, dont je n’ai point retenu le nom, pour qui l’œuvre d’art devrait se suffire à elle-même. Après avoir vu ce film, j’ajouterai que l’artiste devrait pareillement se suffire à lui-même : ni se voir réduit à son oeuvre, ni que celle-ci ne soit interprétée qu’à la lumière des aléas de la vie de son créateur. En clair, une vie d’artiste en dehors de l’œuvre et une œuvre libre de l’aspect anecdotique de son façonnage. Ceci me conduit à établir, en conséquence, une nette distinction entre, d’une part, la pratique de la création comme expérience subjective et corporelle, qui renvoie au seul artiste, et, de l’autre, l’espace de la critique et de la réception, d’où les œuvres se fraient un chemin, souvent difficile, auprès des consommateurs d’art – critiques, historiens, marchands, collectionneurs, conservateurs et le public en général.