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04 octobre 2011

Enfin! notre grand musée

En inaugurant un nouveau pavillon dédié à l’art québécois et canadien, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) accède enfin au statut de grand musée. Certes, ses collections ne peuvent prétendre rivaliser avec celles d’un MET, d’un Prado ou d’un Louvre. Mais, par l’ajout de nouveaux espaces, il pourra maintenant nous montrer un nombre accru d’œuvres de sa collection, qui, si elle demeure lacunaire pour certaines époques, n’en renferme pas moins d’inestimables trésors tels ce Rembrandt ou ce Véronèse qui font la fierté de la très dynamique directrice du MBAM, Nathalie Bondil.

De cette mutation d’un petit à un grand musée, je peux, ici, témoigner : ma première visite au musée remonte, si je me souviens bien, à 1972. Alors peu sensibilisé à l’art, le jeune homme que j’étais apprenait à le devenir en fréquentant le MBAM, qui à cette époque ne comptait que son premier pavillon, construit vers 1912.

Malgré l’ajout, en1976, d’un nouveau pavillon, un immeuble de béton froid et austère, il faudra attendre l’ouverture du pavillon Desmarais, en 1991, pour que le musée devienne un lieu central dans notre vie culturelle. A l’automne, 2011, cet ancrage du musée dans le paysage urbain de Montréal sera chose faite avec l’ouverture du pavillon Bourgie, qui intègre, transformée en salle de concert, une superbe église protestante de la fin du XIXe, dotée de magnifiques vitraux Tiffany. Autour de ce campus muséal se dresseront de nombreuses sculptures. De telle sorte, que nous pourrions parler maintenant du musée comme d’une Place des arts dans la partie ouest du centre-ville.

Mais, en plus d’une simple présence dans la ville, le MBAM cherche aussi, à l’évidence, à ancrer le musée au cœur de la création artistique de notre ville. Cette stratégie passe tant par des commandes à des artistes locaux que par l’agrandissement notable des espaces consacrés aux œuvres réalisées au Québec ou au Canada depuis 1980. En effet, en circulant au niveau S2, qui relie les trois pavillons, sous les rues Sherbrooke et du Musée, les visiteurs pourront prendre connaissance de la production artistique actuelle, d’ici ou d’ailleurs. Les liens étroits qui relient l’art d’ici aux courants internationaux, ne seront que plus évidents. Comme, d’autre part, l’exposition accrue d’œuvres québécoises et canadiennes des années 1950-1980, soulignera les influences de la production de cette époque sur les artistes d’aujourd’hui.

Tout parcours dans un musée recèle, heureusement, des surprises. Cela m’est arrivé pendant la visite presse du pavillon Bourgie. Pour respecter l’ordre chronologique, nous commencions par le dernier étage, où se trouvent les superbes sculptures inuites. De là nous remontions le temps en descendant les étages : au troisième, l’art sous les régimes coloniaux français et britannique; au deuxième, le dix-neuvième siècle; au premier, les années 20 ou 30, représentées par le groupe des Sept et des peintres québécois tel Adrien Hébert. Ces derniers étaient des artistes trop académiques et trop peu innovateurs en comparaison à ce qui se faisait alors en Europe. En descendant à l’étage suivant, j’ai subi un véritable choc, par le contraste saisissant avec ce que je venais de voir: les automatistes Borduas, Riopelle et compagnie. Je quittais une époque de retenue sinon d’autocensure, de repli vers des formes et des techniques convenues, et, quelques marches au-dessous, j’aboutissais à une joyeuse explosion de couleurs, de formes, de techniques, de matériaux.

Ceci me rappelle que la mission d’un musée ne se réduit pas simplement à conserver et à exposer des œuvres du passé comme du présent. C’est la nature même d’un musée d’art, d’en façonner l’histoire. Parcourir les salles c’est déjà lire sur les œuvres exposées un récit de leur conception, de leur genèse, de leur réception dans la société de telle ou telle époque. Visiter un musée c’est déchiffrer une histoire de l’art. Maintenant, avec l’agrandissement du MBAM, nous pourrons, enfin, mieux décoder l’histoire de l’art d’ici.