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17 décembre 2012

Un hermétisme décoratif


Pierre Dorion
Musée d’art contemporain de Montréal 
du 4 octobre 2012 au 6 janvier 2013



Après avoir parcouru la rétrospective que le Musée d’art contemporain de Montréal consacre au peintre québécois, Pierre Dorion, je ne tenais plus à écrire un compte rendu puisque mon verdict est rapidement tombé : ça ne me plait pas du tout. Je croyais alors en rester là. Mais, par la suite, l’animatrice de l’émission sur les arts visuels, In situ (le dimanche, à midi et demi, à CIBL FM101, 5) Chantal L’Heureux, m’a invité à participer à une table ronde sur cette exposition en compagnie de ses collaborateurs, Geneviève Breuleux et Pierre Archambault. Pour m’y préparer, j’ai réfléchi davantage à Dorion au-delà de la simple opinion défavorable de ma première visite à cette rétrospective, qui comprend une soixantaine de tableaux réalisés au cours des deux dernières décennies.

À l’émission du 9 décembre dernier (mon baptême radiophonique!) nous avons débattu vigoureusement pendant un quart d’heure de l’oeuvre de Dorion. Si les deux autres intervenants se montraient plus réceptifs, pour ma part, j’ai cherché à expliquer avec franchise mon appréciation négative de son travail présenté au MAC. En acceptant la gentille invitation de Chantal, je ne voulais surtout pas, novice à ce média, m’inspirer des mièvreries et des complaisances entendues chaque matin à Radio-Ca.ca.

Ma préférence restera toujours l’écrit, qui, libre des impératifs et des pressions de temps qu’impose la parole transmise par les ondes ou les bits, encourage la nuance, la mise en contexte et le retour sur soi. Pareillement, l’écrit ne donne pas lieu à des interprétations, justes ou fausses, que l’auditeur et le téléspectateur peuvent donner à une inflexion de voix ou à un tic corporel.


Le modernisme, fin de série?

Avant de passer aux œuvres de Dorion, une précision : mes propos à l’émission, et les suivants, ne signifient aucunement une récrimination contre un artiste au nom de Pierre Dorion, dont je reconnais la maîtrise splendide des techniques de la peinture, mais, plutôt, un commentaire sur ses productions. Si l’artiste dispose de toute la liberté pour créer (du moins en principe, car cette liberté reste soumise aux dictats du marché de l’art ou des institutions culturelles), en contrepartie, nous devons reconnaître la légitimité de la critique, dont l’exercice semble de nos jours se raréfier, et non seulement au Québec. Bon!, cela aura l’air d’une lapalissade, mais la réalité des marchés et des vanités exige une attention constante pour l’affirmer comme conduite effective.

Les œuvres de l’artiste québécois relèvent, du moins pour la majeure partie de celles présentées au MAC, d’une « abstraction figurative ». Ou, encore, pour éviter tout soupçon d’un oxymoron involontaire, je parlerai d’une « figuration abstraite ». Son point de départ paraît simple : des formes architecturales, petites, qu’il soumet à un processus d’épuration dans le but d’en effacer toute trace de vie et de ne laisser comme figures que des éléments architecturaux, certes reconnaissables, mais qui ne constituent en rien une « représentation » de la réalité. Certes, les concepts de représentation et de réalité ne sont pas, loin de là, exempts d’une grande ambiguïté.

Dans ses tableaux, Dorion témoigne du souci de ne rien laisser subsister d’une subjectivité vivante, et au premier chef, la sienne. Ci et là, demeurent quelques indices d’une vie passée, mais les seules figures humaines se trouvent dans une peinture à l’intérieur d’un tableau, telle une fine mise en abîme. Quant aux figures architecturales, elles perdent, ainsi épurées, de leur prégnance réaliste et leur qualité de représentation pour atteindre presque l’état de formes abstraites. Voilà qui semble intéresser surtout l’artiste. Par exemple, ce tableau représentant l’une de ces toilettes rurales d’autrefois. D’allure si aseptisée que nous n’hésiterions pas à y dîner…

Assurément, Dorion demeure tout à fait libre de ses choix artistiques; cependant, rien n’oblige le spectateur de régler ses goûts sur celui d’un artiste, celui-ci ou un autre, parce qu’il jouit d’une promotion offerte par un pouvoir culturel, en l'occurrence, un musée. Pour moi, les peintures présentées au MAC distillent l’ennui, révèlent l’obsession de l’ordre avec laquelle elles ont été réalisées et ne soulignent que la vacuité d’une architecture peinte dépourvue de vie humaine. À moins que notre peintre ait précisément voulu exprimer de tels effets.

Je vois en Pierre Dorion un épigone, l’un des derniers peut-être, d’un certain modernisme artistique, qui, après la Seconde Guerre mondiale, a accentué au-delà de toute vraisemblance l’autonomie de l’art par rapport à la société. Un modèle où l’œuvre tourne le dos à la vie et se replie sur elle-même, impénétrable, dans un splendide isolement, mais qui s’offre néanmoins en spectacle à une contemplation, souvent perplexe, du public. Et, cela, je le ressentais en visitant la rétrospective du MAC. En examinant avec insistance une toile, celle-ci, offusquée, m’apostrophait ainsi : Pourquoi me regardez-vous comme ça? Pauvre sot : je n’ai pas besoin de vous pour exister!

Cette tendance lourde du modernisme, dont Dorion est un digne héritier, a cependant connu son heure de gloire par d’audacieuses expérimentations. Au cours des années 50, 60 ou 70, ce modernisme constituait une contre-utopie féconde surgie en réaction à l’échec des avant-gardes de la première moitié du XXe siècle. Bien que ces dernières divergeaient à maintes reprises au chapitre des stratégies et des objectifs, ces mouvements ou chapelles d’artistes et d’écrivains, songeons, ici, au futurisme ou au surréalisme, se mobilisaient dans une commune volonté de changer la vie, la société et la culture grâce à l’art. Mais les échecs des avant-gardes, d’ordre pratique plutôt qu’esthétique, démontraient les limites inhérentes de l’activité artistique dans la sphère publique.

Pour compléter mon schéma, qui servira de grille d’analyse pour attirer dans ses rets des œuvres à comprendre, je dresserai un axe perpendiculaire à celui tracé ci-dessus (œuvre en soi et pour soi contre œuvre engagée dans la vie et la culture). Une bonne partie des productions dans les arts plastiques ou visuels du dernier siècle, et même du nôtre, semblent écartelées entre deux pôles, qui exercent chacun une force gravitationnelle extrême; de par leur nature, ces deux pôles restent étrangers à la pratique artistique, du moins dans le sens retenu ici. L’un, est la force du discours, aux confluences du langage et de la logique, et, l’autre, à l’opposé, celui des séductions de la décoration, devenue par la suite le design. Discursif ou décoratif, pendant longtemps ces deux effets venus de la société ont marqué les artistes. Mais, aujourd’hui, en 2013 bientôt, quelle pertinence conserve cette polarisation à la source d’une division assez futile entre l’art étiqueté contemporain de l’art qui simplement se produit de nos jours? À une époque si peu portée à l’étude de l’histoire, et au milieu d’un éclectisme synonyme de free for all, ne serait-il pas sage de se mettre sérieusement à l’étude de ce passé récent, un peu plus d'un siècle somme toute, qui a marqué une rupture irrémédiable d’avec des traditions artistiques vieilles de plusieurs siècles?

Quant à ma perspective, je choisis volontiers le voisinage tonitruant du discursif. Mais aussi d’un art qui s’engage vigoureusement dans ses rapports problématiques, voire antagoniques, avec des pouvoirs culturels, du marché et de l’institution, ou, dans ce cocktail vital dénommé la culture. Pour livrer bataille, cet art n’aura que des armes bien connues : l’intelligence, l’émotion et la sensualité.

Quant à Pierre Dorion, je le placerai du côté du décoratif et de l’hermétisme d’une œuvre repliée sur elle-même. Une autre reprise d’une variation sur un thème original déjà lointain. De l’intelligence, il y en a sûrement au sein de ses oeuvres, dans leur conception plus qu’en leur signification, mais, d’émotion et de sensualité, elles en sont grandement dépourvues.



02 mai 2012

Artiste, mot épicène ?



« Les femmes sont des êtres humains comme les autres »! J’avais bien fait rire alors mes amis avec cette boutade. À présent, lorsqu’une artiste expose, certains hommes n’hésitent pas à évaluer la part de féminité dans ses œuvres, ou, au contraire, tentent d’y déceler les aspects constitutifs d’une production  « féministe », nous pourrions poser sérieusement la question suivante : les femmes qui se consacrent à l’art sont-elles des artistes comme les autres? Ce questionnement douteux (féminine? féministe?), devenu presque obsédant , a connu son paroxysme l’hiver dernier quand deux institutions importantes sur la scène montréalaise ont présenté des expositions de femmes : l’une, collective, sous le titre Loin des yeux, près du corps, à la Galerie de l’UQAM, du 13 janvier au 18 février ; l’autre, au Musée d’art contemporain, du 2 février au 22 avril, composée d’un trio assez surprenant : l’Égyptienne, Ghada Amer, la Kenyenne, Wangechi Mutu, les deux maintenant résidentes de New York, et, la Québécoise, Valérie Blass.

Au fond, il s’agit là de la reprise incessante de cette dialectique éculée du féminin et du masculin, souvent poussée jusqu’à l’absurde, voire au ridicule. En lisant récemment la biographie de Marguerite Yourcenar, j’apprends de sa biographe, Josyane Savigneau, qu’au lendemain du succès de ses Mémoires d’Hadrien, dans les années cinquante, plusieurs critiques littéraires soulignaient avec emphase son style « viril ». Dans la même veine, qui serait surpris d’apprendre que des critiques de jadis eussent qualifié de « féminine » l’écriture de Marcel Proust, du fait que l’auteur de A la recherche du temps perdu était, pour reprendre un vocabulaire désuet, un inverti?

Aux côtés de cette dialectique des sexes, on voit surgir maintenant ce doublet féminin-féministe, et les questions trop faciles qu’il autorise désormais. Lors de la conférence de presse au MAC, en février, il n’était guère étonnant qu’un critique attitré, d’ailleurs reconnu pour sa sympathie pour le féminisme, demande à Ghada Amer si elle se reconnaissait sous cette étiquette.

Règle générale, cependant, le doublet féminin-féministe est loin de servir aux fins de l’analyse des œuvres. Féminin, par l’évidence de son sexe,on en réduirait la portée à un art de femmes, pour femmes. Féministe, tel un subtil piège, on l’obligerait à réaffirmer une l’identité à laquelle toute femme instruite et moderne ne peut renoncer sous peine de paraître conservatrice ou réactionnaire. De toute façon, féminine ou féministe, elle serait bien avisée, pour demeurer libre dans sa démarche créative, de garder ses distances des deux.

Aussi, parmi les féministes se revendiquant telles, on cherche aussi à les gagner à cette cause afin de circonscrire un corpus d’œuvres constitutives d’un « art féministe ». En somme, ici, il s’agit pour l’artiste d’assumer une claire posture politique ou idéologique aux dépens d’un cheminement purement esthétique. Peu importe sa justesse d’une telle mission, le résultat aboutit à coup sûr à un affaiblissement de l’autonomie de l’Art, déjà fortement laminée par le populisme culturel triomphant.

On comprend aisément que le féminisme, jailli au cours des années soixante, comme mouvement essentiellement identitaire, ait pu s’attirer de nombreuses artistes. Certes, cette dimension identitaire, caractérisée par un affermissement positif de l’image de la femme, lui permettait de ratisser large puisque le sentiment d’appartenance prévalait sur des orientations politiques trop précises. Mais, puisqu’il fallait corriger les injustices de la subordination immémoriale dans laquelle étaient maintenues les femmes, le féminisme s’est transformé en mouvement revendicatif. Ce qui exige un effort soutenu, lent, laborieux et toujours susceptible d’être remis en cause par une réaction adverse dans la société. Mais dans ce qui nous intéresse ici, les progrès accomplis se constatent facilement : d’abord, la fin de l’iniquité fort ancienne à l’égard du potentiel créateur des femmes, qui a longtemps privé l’Art de leur contribution. En musique, songeons à Fanny Mendelssohn, à Clara Schumann ou à Alma Mahler, et à tant d’autres, qui aux siècles antérieurs, par respect des convenances, devaient sacrifier leur carrière au profit d’un frère ou d’un mari...

Dans les arts visuels, nous sommes donc très loin de la situation qui prévalait, en 1985, quand le groupe de performance, Guerilla Girls, a organisé une manifestation devant le Metropolitan de New York pour protester contre le peu d’intérêt manifesté par le musée pour les oeuvres des femmes. Leur affiche « Do Women have to be naked to enter the MET? » est passée à l’histoire. Mais cette sous-représentation est historique; avant le vingtième siècle, très peu de femmes y faisaient carrière. Signe des temps, aujourd’hui les musées et les galeries exposent régulièrement leurs œuvres, et pour cause, elles qui sont devenues, de nos jours, fort nombreuses sur la scène artistique. Autre confirmation de leur impact sur la scène artistique : au Québec, certains des plus importants musées sont dirigés par des femmes : à Montréal, le Musée des beaux-arts, le Musée d’art contemporain, Pointe-à-Callière, le Musée McCord, et le Musée national des beaux-arts, à Québec.

Malgré tout, on constate une réticence chez plusieurs jeunes femmes, non seulement des artistes, de se réclamer publiquement du féminisme. Cela surprend d’autant plus qu’elles lui sont redevables pour les occasions qui s’ouvrent maintenant. Pourquoi? Y répondre dépasse largement le cadre du présent texte, ainsi esquisserai-je seulement une interprétation de mes observations limitées au domaine de l’art.

Et en la matière, ce sont souvent les artistes elles-mêmes qui offrent les indices les plus éclairants. En entrevue avec Pierre Archambault, à l’émission Espace visuel (Radio Centre-ville), Annie Baillargeon, de Québec, dont les photos étaient l’hiver dernier présentées à la Maison de la culture Frontenac, a déclaré 
« Quand je faisais partie du groupe de performance Les Fermières Obsédées, j'avais un engagement  féministe,  mais pas dans mon travail d'artiste personnel ». Une telle dichotomie vise à départager clairement le collectif de l’individuel, Or, justement, de telles affirmations ne reflèteraient-elles pas davantage une volonté diffuse chez plusieurs jeunes, de délaisser les identités fortes (« je suis une femme »; « je suis féministe ») au profit d’une personnalité façonnée que par le seul individu? Une création de soi dans l’esprit d’une esthétique de l’existence dont parlait Michel Foucault. Cela n’apparaît pas incompatible avec le féminisme conçu, non comme une organisation centralisée et monolithique, ce qui serait absurde, mais comme un ensemble contrasté d’idées, d’idéologies, de publications, d’écrivaines, de réseaux informels et de groupes structurés, se développant inégalement selon les époques et les sociétés. Pourquoi serait-il alors inadmissible qu’une artiste cherche à garder ses distances, mais sans le renier?


Un doublet paradoxal

Ce doublet féminin-féministe comporte pourtant un aspect paradoxal, qui serait valable pour nos analyses de l’art produit par des femmes. Comme principe interprétatif, évitons, certes, de recourir sans discernement à ce duo si problématique — féminin-féministe — surtout lorsqu’il renvoie à la personne d’une artiste davantage qu’à sa production. Néanmoins, grâce à une telle perspective, nous pourrions comprendre les stratégies discursives ou plastiques derrière leurs œuvres, tant leurs thématiques que leur facture.

Au-delà de toute anecdote, ce doublet féminin-féministe s’enracine dans des réalités évidentes : l’élément féminin dans la sociobiologie, le féminisme renvoie à une histoire politico-culturelle. Il est donc légitime que l’auteure d’un récit, en mots ou en images, s’en inspire comme pour tout autre inventio. Ainsi l’analyste pourrait l’appliquer aux oeuvres de Ghada Amer et Wangechi Mutu exposées récemment au Musée d’art contemporain. Par exemple, les tableaux d’Amer sont féminins par le choix de la broderie, à la fois comme matériau et technique, qui se superpose sur des figures esquissées de l’érotisme féminin, devenues ainsi à peine visibles. C’est une référence évidente à l’imposition du voile islamique, qui dissimule la sensualité féminine aux yeux des hommes qui n’y ont pas droit. Ce qui autorise une telle lecture, chez Amer, est le recours à l’évocation comme stratégie créatrice. Ici, l’Égyptienne ironise ainsi sur l’évocation, une approche censée refléter la passivité du discours de la femme évitant l’affrontement direct au profit de moyens détournés.

Sont, par contre, clairement féministes, par leur dénonciation virulente de la condition de la femme en Afrique, les installations, sérigraphies, sculptures et vidéos de Wangechi Mutu. Le réquisitoire de la Kenyenne renvoie sans ambages à une stratégie militante féministe.

Amer et Mutu, mais aussi tous jeunes artistes, des deux sexes, dont les œuvres commencent à être exposées, recueillent l’héritage des générations antérieures d’artistes, inspirées en bonne partie par les théoriciennes féministes. Je pense, ici, à Louise Bourgeois, Carolee Schneemann, Cindy Sherman, Nan Goldin, Marina Abramović, Shirin Neshat et Vanessa Beecroft. Ces artistes ont su innover en explorant de diverses manières le corps, ou, pour être plus précis, non pas le corps, depuis toujours un objet de la création artistique, mais ce qui le déborde : le corporel. Réduit à sa simple enveloppe charnelle, le corps de l’art traditionnel se prêtait facilement à des métaphores d’idées abstraites, telles la beauté, la force, la virilité, l’autorité, la divinité... Tout autre est le corporel en art contemporain. Depuis déjà quatre décennies, les artistes ont exploré avec audace mille et une facettes du corporel, qui, antérieurement, par préjugé ou pudeur, avaient été déconsidérées ou marginalisées. Songeons à la laideur, au grotesque, aux significations reliées aux différents organes, tissus, membres, ou, encore aux usages sexuels et gestuels que les humains ont appris à en tirer.

Certes, un certain nombre d’hommes ont aussi contribué au renouvellement des images artistiques du corps. Et ce n’est pas sans raison que parmi les plus audacieux figurent des artistes attirés érotiquement par d’autres hommes, tels Francis Bacon et Robert Mapplethorpe. Mais, dans cette véritable prospection récente du corporel, ce sont surtout des femmes qui ont marqué ce bouleversement de notre imaginaire : les Bourgeois, Schneemann, Sherman, Goldin, Abramović, Neshat, Beecroft et quelques-unes de plus. En revanche, nous aurions tort de les cataloguer de féministes. Du moins, pas dans le sens que ce mot comporte aujourd’hui, c’est-à-dire d’un mouvement revendicateur. C’est d’abord en tant qu’artistes qu’elles ont su innover.

Pour conclure, revenons à la sculpteure québécoise Valérie Blass. Je demeure toujours intrigué et amusé par ses oeuvres, pour les avoir vues pour la première fois à la Triennale du MAC, en 2008. Je cite le communiqué du MAC, qui résume admirablement son travail : Blass « emploie l’éventail complet des techniques de la sculpture – du moulage à la fonte, de la taille au modelage, du bricolage pour créer d’étranges objets hybrides et explorer les territoires entre les formes animales, humaines et inanimées ». Mais on ne saurait donc la catégoriser, d’artiste féministe, ou, moins encore, accoler à son art l’épithète féminin. Elle l’a fait clairement savoir au journaliste du Devoir venu lui poser l’inévitable question — « êtes-vous une féministe? » — en lui répliquant avec aplomb : « Non, je suis une artiste macho »! (paru dans l’édition du 28 janvier). Et elle en rajoute : « pour être une artiste, il faut être macho! » Valérie Blass semble donc, heureusement, s’être libérée du carcan des étiquettes faciles : contentons-nous de dire, tout simplement, artiste!