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29 avril 2013

Un guide à parfaire


Guide du Montréal créatif,
10 parcours à la rencontre de l'art actuel
de Jérôme Delgado
Guides de voyage Ulysse
Montréal, 2013
224 pages, 29,95 $


Sentiment étrange que celui de compulser un guide touristique sur sa propre ville. À une grande familiarité se mêlent parfois des éléments inconnus qui vous font dire : « y a malgré tout de quoi découvrir… ». C’est ce que j’ai ressenti à parcourir le nouveau Guide du Montréal créatif, paru aux éditions Ulysse. L’intérêt principal pour qui connaît le Montréal culturel est de se dire : « Que de choses se passent ici! »

Tout guide trahit les décisions arbitraires voire les préjugés de ses auteurs. Celui-ci ne fait pas exception. Je m’explique mal le choix de présenter en tout premier le Mile-End (en plus de quelques lieux de la Petite Italie et d’Outremont) plutôt que le Quartier des spectacles et le Quartier Latin qui, sans conteste, constituent le centre de la vie artistique de Montréal et d’une bonne partie de sa culture urbaine. 

Un guide est au départ un répertoire pratique de lieux situés géographiquement; et, comme tel, un ouvrage de ce genre risque fort de comporter des erreurs de fait et de fâcheuses omissions. Voici ce que j’ai noté pour deux quartiers que je connais bien : le Plateau et le Village gai.

D’abord le Plateau : l’auteur mentionne la Galerie Bernard, sise rue Saint-Denis, mais pas la Galerie Beaux-arts des Amériques, sa voisine immédiate. Pourquoi? Plus loin, sur le boulevard du Mont-Royal, l’auteur a dûment noté les bars Bela Kun et O Patro Vys, mais non les Jeunesses musicales du Canada (et sa belle salle de récital) de l’autre côté de la rue. Et pourquoi ces renseignements si sommaires sur les Conservatoires de musique et d’art dramatique tout près. Il s’agit pourtant d’une pépinière de créativité. Rien du tout aussi sur l’atelier de la troupe de danse Marie Chouinard, situé à l’ouest sur la même artère. 

Quant au  Village gai, aucune mention n’est faite de la piétonnisation du tronçon de la rue Sainte-Catherine qui le traverse, devenant ainsi l’été l’une des rues les plus animées de la Métropole. Même pas un mot, ni de photo, des désormais célèbres boules roses qui en sont devenues la marque de commerce. Rien, non plus, sur la foire d’art en pleine rue qui met des artistes et artisans en rapport avec le grand public des badauds et touristes. Certes, la qualité et l’innovation n’y sont pas toujours au rendez-vous, mais est-ce une justification pour la passer sous silence? Le peu de place accordée au quartier gai est d’autant plus fâcheux que l’été, autour du Village, marque le temps fort d’une culture urbaine qui lui est particulière, et qui prend d’autres allures ailleurs à Montréal. Les diverses incarnations de la culture urbaine s’allient à leur façon à la création artistique. Malheureusement, le présent guide ne semble pas le reconnaître. 

Je pourrais poursuivre de la sorte, mais l’essentiel n’est pas là. Le choix des auteurs et des éditeurs était d’accorder une place importante aux photos pour rendre sans doute l’ouvrage agréable à l’acheteur. C’est bien, mais l’espace disponible pour l’information écrite diminue en conséquence. 
Et à trop vouloir en faire un guide de parcours, on noie l’information se rapportant à chaque discipline artistique. Prenons l’exemple de la musique classique : pour repérer l’essentiel de ce qui se fait à Montréal, il est moins pertinent pour les lecteurs et surtout pour les visiteurs à notre ville de consulter une liste d’endroits par quartier que de savoir en détail, dans un seul texte, que la vie musicale se passe à la Place des arts, à l’école Schulich  de McGill, à la salle Bourgie, à la salle Mercure, à la Chapelle du Bon-Pasteur et à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Il aurait été plus judicieux d’inclure non seulement des parcours géographiques, mais également par discipline artistique. Je regrette en particulier le peu de place accordée à la vie littéraire. Pas un mot sur la Maison des écrivains ou sur certaines librairies comme Port de tête. 
Mais, au-delà du répertoire des lieux de diffusions et de formation, je constate l’absence d’une appréciation qualitative des différentes formes d’art dans leur particularité montréalaise. 

Bonne note : la place accordée à l’art public, surtout pour les photos.

Voilà, ce guide sera sûrement fort utile pour des visiteurs, et pour quelques Montréalais. Souhaitons qu’une édition ultérieure vienne en combler les lacunes.