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14 septembre 2013

Pour la laïcité


Cette semaine, le gouvernement Marois a dévoilé ses propositions pour assurer la laïcité des institutions publiques. Une vieille amie qui se qualifie de libérale m'a fait parvenir un courriel où elle manifeste sa franche opposition à cette Charte des valeurs québécoises. Partisan inconditionnel de la laïcité de l'État, je lui ai répliqué ce qui suit :

Je crois sincèrement que l'État doit être laïc et que c'est inadmissible que, moi, citoyen athée, doive, au hasard de mes rencontres avec des fonctionnaires, me présenter devant des personnes qui affichent leur appartenance à l'une ou l'autre des religions. Comment te sentirais-tu à demander des renseignements à un fonctionnaire qui arborerait un écusson : Je suis athée ? Ce dernier serait d'ailleurs probablement traduit devant un conseil de discipline.

Pourquoi se le cacher, la cible principale de cette charte est l'islam. Je suis toujours surpris de constater l'aveuglement des Occidentaux devant ces communautés musulmanes qui y sont établies. La gauche d'Outremont ou du Plateau peut bien parler d'inclusion, quand de jeunes musulmans sont recrutés par les réseaux terroristes on dit que ce sont des exceptions. En effet, les exceptions sont nombreuses...Mais, je ne tomberai pas dans le piège de tout amalgamer. On peut fort bien être de confession musulmane, mais accepter la modernité, et se plier aux exigences de la séparation de l'État et de la religion.

Implicite également dans cette charte est le rejet du concept de multiculturalisme claironné par les Trudeauistes et, adopté largement ensuite par le Canada anglais. Outre son instrumentalisation dans le but de fidéliser les communautés immigrantes, un clientélisme qui devait assurer leur pouvoir ad vitam aeternam, cela servait à minoriser les Québécois, réduits à n'être qu'un autre groupe de plus de la Canadian Mosaic. Or, toute arrivée massive d’étrangers dans un pays suscite de réels problèmes à ses autochtones. Prétendre le contraire représente une irresponsabilité majeure. L’enjeu d’une politique d’immigration est d’assurer, quelque que soit le nom qu’on l’affuble, l’assimilation des nouveaux venus au sein de la population, d’en amoindrir les aspérités inévitables. Assimilation, le mot est lancé : mais cela fonctionne dans les deux sens. L’apport des nouveaux venus est assimilé, à mesure que ces derniers sont assimilés au groupe majoritaire. Prétendre autrement, comme c’est souvent le cas au Canada anglais, relève de l’hypocrisie.

J’avais songé, au lendemain de la défaite du Oui, en 1995, qu’à défaut d’assumer pleinement notre destinée de peuple, le nationalisme québécois allait devoir se replier sur la mentalité de survivance qui avait marqué notre nationalisme d'avant la Révolution tranquille; un retour, certes non dans le sens de l’identité ethnique ou à la défense du catholicisme. Mais vers la langue, par exemple. La présente charte est mal engagée. Elle divise déjà trop les souverainistes pour ne pas regretter qu'elle ait été proposée.  Sans me faire trop d’illusions sur le résultat final (les compromis, reculs, difficultés d’applications, contestations sont à venir) je me réjouis que pour une fois le principe de la séparation de l’État et de la religion soit énoncé. Au moins le Parti Québécois propose quelque chose. Qu'a fait le gouvernement libéral de Jean Charest? Dépenser une fortune pour un exercice de défoulement collectif pour ensuite ne rien faire.

Quant à la religion, je suis intraitable : les religions, reliques des superstitions du passé, n'ont pas de place dans la modernité, du moins telle que je la conçois. Cependant, elles gagnent malheureusement de force de nos jours. Pays arabes, Israël, États-Unis et ses évangélistes, la Russie avec l'Église Orthodoxe, même l'Inde avec un hindouisme intolérant. Rien de bon ne sort de la religion de par le monde. Hélas, la crise actuelle du capitalisme et l’affaiblissement des élites cosmopolites qui le soutiennent hâteront ce processus. La connaissance scientifique et la pensée néo-libertaire, jusqu’ici hégémonique du moins dans les sociétés occidentales, tous deux vecteurs de progrès, c’est-à-dire de l’ouverture vers l’avenir, perd et perdra progressivement de son lustre au sein des larges masses de personnes qui se sentent exclues, dépossédées, flouées, méprisées et qui ne comprennent rien ni à la science, ni à l’art actuel. Abreuvées de la culture pop commerciale et gavées d’images étrangères aux nécessités de la vie et à la fatalité de la maladie et de la mort, nombreux sont ceux qui se tournent vers le passé, vers les idéologies religieuses qui ne font que recycler le passé, souvent même pas sous de nouvelles guises et que les élites instruites et hédonistes pensaient révolues. Une erreur dont on pourrait payer lourdement le prix.