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24 mai 2016

Arôme d’éternité...

Les peintures à fresques de Pompéi, 
voilà la leçon sublime,
 voilà l’azur de pensée qui me délivre de moi-même
 par son arôme d’éternité.

Antoine Bourdelle
lettre à André Suarès
Naples, le 30 septembre 1922




Fresque représentant un satyre et une nymphe. Enduit peint.
Pompéi, maison des Épigrammes, Museo Archeologico Nazionale Naples


À défaut de voyager sur les lieux des grands sites archéologiques, il nous faut profiter des expositions que les musées mettent à notre portée. Ainsi, jusqu’au 5 septembre, le Musée des beaux-arts de Montréal nous offre un parcours, certes limité, mais combien précieux, d’artéfacts et d’oeuvres d’art récupérés depuis les derniers siècles sur le site de Pompéi, près de Naples. À la veille de l’éruption du volcan, le Vésuve, le 24 août de l’an 79, à peine quelque mois du début du court règne de l’empereur Titus, Pompéi était une prospère cité romaine. La scénographie soignée de cette exposition contient une étonnante vidéo immersive qui nous offre une petite idée de la rapidité et de l'ampleur de la catastrophe. Mais l’attrait principal, ici, pour l'amoureux de l'art, ce sont les oeuvres qui jadis décoraient les murs, les fresques, et les planchers, les mosaïques, des maisons cossues des patriciens romains.

J'ai vu et revu cette exposition et chaque fois, la contemplation des fresques et des mosaïques m'a plongé pendant de longues minutes dans une rêverie semblable à celle que décrit le sculpteur français, Antoine Bourdelle (1861-1929). Outre les fresques érotiques, qui ont conservé au cours des siècles leur piquant, celle qui représente une cérémonie sacrée de la secte d'origine égyptienne, Isis, m'offre d'assister là, parmi les officiants et les fidèles, à des incantations laissées pour toujours aussi silencieuses que mystérieuses. 

Admirer la beauté surgie des mains de ces magnifiques artistes, libres ou esclaves, ne nous empêche aucunement de reconnaître que les raffinements de Pompéi, comme ailleurs dans l'Empire, furent possibles grâce au travail servile; et de même, le rôle joué par les rapines et les violences dans l'éclosion de cette civilisation éblouissante. 


Après avoir longuement parcouru les salles du musée, je ne peux m'abstenir de songer aux réactions des humains de l'avenir devant les objets qui, en 2016, agrémentent, croyons-nous, notre banalité. En l'an 4,000, on y présenterait, peut-être, dans ce musée virtuel par implant dans la rétine et en 3D quelques artéfacts et oeuvres d'art, récemment retrouvés dans The lost city by the sea, jadis nommé Manhattan avant d’être inondée à la suite des changements climatiques (cf: Spielberg, Artificial Intelligence 2001). Respireraient-ils alors de nous un arôme d’éternité?