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29 décembre 2011

Fade et ennuyeuse

La Triennale québécoise 2011
du 7 octobre 2011 au 3 janvier 2012
Musée d’art contemporain de Montréal

Décevante, cette deuxième édition de la Triennale québécoise. Certes, les attentes étaient élevées après le succès de la première, en 2008, qui nous avait révélé les plus prometteurs espoirs d’une nouvelle génération d’artistes, dont les noms commençaient à se frayer une place sur notre (petite) scène artistique et même au-delà : David Altmejd, Michel de Broin, Nicolas Baier, Gwenaël Bélanger, Valérie Blass, Patrick Bernatchez et Adad Hannah, pour ne mentionner que ceux-là.

Hélas! Dès que j’ai pu jeter un premier coup d’œil sur cette deuxième Triennale, en octobre dernier, je savais immédiatement que mes espérances seraient frustrées. Malgré un nombre accru d’artistes choisis pour y participer (une cinquantaine, toutes disciplines confondues), j’ai eu le sentiment qu’une telle inflation ne servait qu’à masquer la platitude de la plupart de leurs productions. Qu’il s’agisse de la forme ou de la thématique des œuvres, très peu brillent par la fraîcheur, la nouveauté, l’imagination, l’innovation, l’originalité, l’inventivité ou, simplement, par une virtuosité technique.

Alors que j’avais visité la Triennale de 2008 cinq ou six fois avec toujours le plus grand intérêt, j’ai dû, tel un pensum, m’obliger à revoir la Triennale de 2011 peu de temps avant qu’elle ne soit démontée. Cette deuxième visite a confirmé mon jugement antérieur quant à la médiocrité générale de l’événement : des vidéos très conventionnelles; quelques installations architectoniques qui encombrent notre déambulation davantage qu’elles nous apportent une perception accrue de notre environnement; deux projets qui, sans mordant, ironisent tout doucement sur l’histoire de l’art et la fonction du musée; des dessins et des peintures tout au plus dignes d’un diplômé récent d’une école de beaux-arts; une poignée d’artistes d’une relative renommée qui ne renouvellent pas leur art depuis tant d’années…

Mon propos, ici, n’est pas d’accabler les artistes de cette Triennale. Une contre-performance, dont nul créateur n’est à l’abri, peut s’excuser charitablement. Face aux plus jeunes, toujours en quête d’un langage plastique propre, l’indulgence serait de mise. D’ailleurs, les artistes de cette malheureuse Triennale québécoise ne sont pas les premiers responsables de son fiasco (je ne sais si le mot est trop fort). Il faudra plutôt pointer en direction des cinq commissaires qui les ont choisis. Selon quels critères, aimerions-nous savoir?

Comme Montréal souffre depuis des décennies d’une festivalite aiguë, on peut penser que les commissaires et la direction du musée ont cherché à transformer la Triennale , qui a coûté un million de dollars, en festival grand public, un événement aucunement rébarbatif, sans aspérité, ni scandale, ni controverse. Le voilier doublé d’un bar de Dean Baldwin qu’abritait le hall d’entrée et, à l’extérieur sur la Place des festivals, les faisceaux lumineux de Rafael Lozano-Hemmer, projetés dans le ciel montréalais pendant l’automne (un événement créé en partenariat avec le Quartier des spectacles), témoignent de cette volonté de proposer une Triennale festive et amusante. De tels projets, cependant, relèvent davantage de la promotion touristique ou de l’animation urbaine que de l’art!

Pour ne pas donner l’impression d’une absence d’œuvres intéressantes dans cette Triennale, voici quelques projets qui m’ont plu : Numa Amun et ses étranges dessins anatomiques d’une rare virtuosité; Jessica Eaton pour ses photos rappelant des tableaux abstraits; Julie Favreau pour son installation vidéo sur les déboires sensuels d’un bûcheron; Mathieu Latulippe pour ses maquettes minutieusement construites et pour une installation d’une rare touche poétique dans le cadre de cette Triennale; enfin, la vidéo de Frédéric Lavoie, qui présente des images d’animaux et d’insectes mais dont l’intérêt réside dans les sons qu’ils émettent, surtout pour les citadins invétérés parmi nous qui n’ont plus souvent l’occasion d’entendre ces cris, signaux et chants qui animent la nature.

Cette vidéo, où, les sons volent la vedette aux images, m’a conduit à revoir mon attitude à l’égard de l’art sonore. Auparavant, je ne voyais pas très bien ce que cette forme d’expression faisait dans un musée, historiquement associé aux arts visuels. Maintenant, je crois que l’art sonore, libéré de la tutelle de la musique et de sa subordination traditionnelle à l’image possède sa place dans un musée. Quand les sons, avec ou sans images, s’y déploient, telle une sculpture invisible, dans le temps et l’espace. Un tango de l’audible et du visible…

Une Triennale toujours pertinente?

En terminant, je voudrais m’adresser à vous, Mesdames et Messieurs de la direction administrative et artistique du Musée d’art contemporain de Montréal. Est-ce que la formule d’une Triennale demeure toujours pertinente? À quelles fins? Quels critères à l’avenir guideront le choix des artistes?

Mais les réponses que vous apporterez à ces questions débordent le cadre limité de l’organisation d’une telle exposition démesurée. Depuis quelque temps déjà, parmi certains visiteurs avisés et avides d’art actuel, parmi lesquels je m’inclus, se manifeste un malaise par rapport à votre musée, pardon, NOTRE musée. Est-ce que le Musée d’art contemporain de Montréal ne serait pas devenu, au fil des ans, en l’absence d’une orientation artistique claire, un vaisseau à la dérive, un joueur sinon marginal du moins secondaire de notre scène artistique?

Ce n’est pas seulement en agrandissant les espaces d’exposition, mesure souhaitable, nécessaire même, que le MAC pourrait remonter la pente, mais en écoutant les artistes, les critiques et les amateurs d’art du Québec. Le moment n’est-il pas venu de convoquer un forum consultatif pour que soient débattues les orientations devant assurer une relance devenue urgente? À défaut de quoi, il est à craindre que l’institution n’aille immanquablement s’échouer sur les sables mous de l’insignifiance et de l’indifférence. Est-ce qu’on peut se permettre cela au Québec? Voilà le travail qui vous attend.